DIVYEZH. Ecole et famille
De Bretagne et d'ailleurs :
éducations plurilingues en contexte minoritaire

 

Argumentaire du projet DIVYEZH

Le collectif DIVYEZH est coordonné par le Centre de Recherche en Education, Apprentissage et Didactique (CREAD) en collaboration avec le Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC) et Espace et Sociétés (ESO).

 

L’éducation plurilingue, de quoi s’agit-il ?

La notion d’« éducation » est polysémique. De manière succincte, nous en présentons trois acceptions. Tout d’abord, l’éducation définit une conception de la société au travers des institutions sociales que sont l’école, la famille et les initiatives en matière de formation tout au long de la vie (Palezzeshi, 2011). Parler d’éducation, c’est également évoquer des manières de faire didactiques qui s’organisent au travers de la mise en œuvre de moyens et de stratégies scolaires. L’éducation apparaît encore comme un (ou plusieurs) processus de socialisation primaires et/ou secondaires (Darmon, 2010), reliant un individu à son environnement proche, à un système de société, de culture, de valeurs (Morandi, 2000).

L’élément qui rassemble ces différentes approches est qu’une société (comme c’est le cas de l’état français) est rarement monolingue, qu’il y ait ou non une reconnaissance de cette diversité linguistique. Par conséquent, les pratiques éducatives qui s’y développent se caractérisent à la fois par des politiques nationales plus ou moins favorables au plurilinguisme, mais également par des choix (Philip-Asdih, 1997) ou des politiques linguistiques familiales (Deprez, 1996), qui  «fixe[ent] le rôle, la fonction et la place de chaque langue selon leur utilité et leur valeur pour les membres de la famille » (Haque, 2010).

Ces choix émanent principalement des parents qui positionnent et revendiquent parfois la transmission d’une culture et/ou d’une langue dans un environnement social donné. Dans le contexte hexagonal actuel, le français est hégémonique. Comment cette pression institutionnelle est-elle gérée au sein des familles ? Comment la politique linguistique nationale est acceptée, négociée voire refusée par certains? En effet, les idéologies langagières (Jaffe, 2008) en partie produites par les institutions et les discours métalinguistiques contribuent à accorder une certaine valeur sociale aux langues et aux locuteurs, valeur qui est diversement prise en considération par les familles selon les contextes dans lesquels elles évoluent.

La conception du terme “plurilingue” donne également lieu à une diversité de définitions. Nous pouvons simplement retenir la suivante (Cuq, 2003) : il s’agit de la « capacité d’un individu d’employer à bon escient plusieurs variétés linguistiques », notamment à l’aide d’une « forme spécifique de compétence de communication, [dont] la principale manifestation chez l’individu consiste en l’alternance codique”.

 

Transmettre, quelles définitions proposer ?

Dans une définition de sens commun, transmettre « c’est faire passer quelque chose de quelqu’un à quelqu’un d’autre ». Le premier aspect que revêt cette définition est que ce qui est transmis est bien souvent considéré comme étant descendant, passant par exemple d’une génération à une autre ou bien du maître vers l’élève. Le second aspect est que ce qui est transmis l’est à l’identique (on transmet un patrimoine, qu’il soit socio-économique, culturel). Du point de la famille, en éducation, on retrouve ici la perspective structuro-constructiviste dans une problématique de reproduction sociale (ancrée dans un milieu social) qui favorise ainsi l’héritage d’une mémoire et d’une culture, dans lequel chacun trouve les sources d’une identité transmise (Attias-Donfut, Lapierre, & Segalen, 2002). A l’école, cela se traduit par le développement d’un modèle transmissif du savoir qui passe de celui qui sait vers celui qui apprend.

Cependant, ce modèle éducatif évolue fortement depuis plusieurs décennies. La famille contemporaine, telle que la décrit de Singly (1993, 2000), vise de plus en plus à libérer les individus de leur histoire pour une plus grande autonomie personnelle, tant vis-à-vis des personnes que des institutions. Il y a d’un côté une volonté d’être plus indépendant et de l’autre un assouplissement du modèle familial, qui  s’imprime également dans la vie du couple (de Singly, 2000), faîte de “temps personnel et de temps partagé”. Dans cette perspective, il importe de saisir la transmission linguistique en prenant en considération le transmetteur mais aussi le récepteur et le contexte d’énonciation.

 

Dans un contexte minoritaire

Questionner la transmission, c’est interroger un double processus : qui est à la fois descendant (par exemple de l’institution scolaire et/ou familiale vers l’enfant) et ascendant, c’est-à-dire qui fait l’objet d’une démarche individuelle d’appropriation, d’activation. D’un point de vue linguistique, l’éducation associée à une langue minoritaire combine ces deux registres dans un contexte social souvent contraignant : c’est à la fois un processus éducatif (comprenant des logiques d’acteurs (Berthelot, 1984) : le choix d’une école, le choix d’une stratégie linguistique…) et un processus d’adhésion actif (Labov, 1976) car les « langues n’existent pas sans les gens qui les parlent » (Calvet, 1993).

Ce qui donne lieu à des questions de recherche aussi diverses que l’enseignement du breton en contexte scolaire immersif (Diwan) ou semi-immersif (Larvol, 2014) ; le sens de la transmission familiale de langues peu valorisées socialement comme l’arabe ou le berbère  (Filhon, 2009); la légitimité de la transmission du breton chez les nouveaux locuteurs (Moal, 2017 ; Pentecouteau, 2002) ; les dimensions culturelles et symboliques de la langue…

 

Nous proposons de travailler la question de l’éducation en contexte minoritaire sous trois angles complémentaires :   

1. Les politiques scolaires : quelles sont les politiques nationales ou gouvernementales qui reconnaissent un contexte plurilingue ; quelles sont les formes d’école plurilingue en France et en Europe.
2. La famille : comment les familles font-elles pour transmettre une langue minoritaire ; quelles stratégies mettent-elles en place ; comment le couple négocie la place de la langue dans la famille.

3. L’école : comment se déroule un enseignement immersif ou semi-immersif ; comment les enseignants de ces filières collaborent ensemble ; quelles sont les approches développées en didactique  

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